La politesse élémentaire me pousse à me présenter avant toute chose. Mon parcours, loin d'être conventionnel, se résume ici de manière simple et concise.
Je suis née et j'ai grandi à Singapour, au sein d'une famille aux racines profondes et diverses. Mon père est Français, originaire de Normandie, avec une grand-mère maternelle chinoise venant du Zhejiang (1). Quant à ma mère, elle est Peranakan, une métisse singapourienne, à moitié Malaise (2) et à moitié Chinoise singapourienne, dont les ancêtres sont originaires du Fujian (3).En Asie, l'identité ethnique et/ou religieuse est souvent un marqueur fondamental. Elle vous accompagne toute votre vie, figurant sur vos papiers d'identité et influençant vos interactions. À Singapour, cette classification suit le modèle « CMIO » (4). Biologiquement, je porte donc en moi 2/5 de sang caucasien, 2/5 de sang chinois (toutes ethnies confondues) et 1/5 de sang malais. Mes parents m'ont inscrite à la naissance comme Chinoise, un choix plus logique que "métisse" ou "eurasienne" au vu de mon visage de "paysanne du Guangxi".
Comme un défi n'arrive jamais seul, après une série d'examens, j'ai été diagnostiquée HPI (5) à l'âge de trois ans. J'ai alors intégré le programme gouvernemental du GEP (6), dédié à l'accompagnement des enfants présentant cette particularité.Toute ma scolarité s'est déroulée à l'École Française de Singapour (7). Ce fut une véritable épopée scolaire, digne d'un scénario de film ! J'ai décroché mon diplôme de fin de primaire à 10 ans (8), pour entrer directement au Lycée, en section internationale. À 14 ans, j'ai obtenu mon baccalauréat en sciences économiques et sociales, option OIB (9), avec mention très bien, ainsi que l'IGCSE (10) et le HSK (11). L'année suivante, à 15 ans, j'ai rejoint le programme de double diplôme de l'Université Nationale de Singapour (12), et à 18 ans, j'ai décroché mes deux bachelors en droit et en affaires (13). C'est à ce moment-là que j'ai décidé de prendre mon envol vers les terres paternelles en France, désireuse de mieux comprendre cette part de mon identité et de poursuivre mon parcours académique à l'École du Louvre (14).
Grandir à Singapour et fréquenter l'école française m'a permis de devenir parfaitement polyglotte : je parle couramment le chinois, l'anglais, le français et le malais. Il faut dire qu'à Singapour, le polyglottisme est la norme. Nous y parlons le Singlish (15), un créole uniquement compris par les Singapouriens qui ont grandi sur l'île. Mais la grande majorité des habitants maîtrise également trois autres langues essentielles : leur langue maternelle, l'anglais (langue officielle unificatrice), et le chinois, au moins à l'oral, car c'est la langue de la majorité et elle est très présente dans le monde du travail.
Pour conclure, au-delà de ce patchwork biologique, de cette double citoyenneté étatique, noyée entre les confusions culturelles de l'Extrême-Orient et de l'Occident, la HPI permanente et dyssynchronique chronique que je suis aspire malgré tout à être comme le grand Meng Ke (孟轲) : croire en la bonté innée (人性善, rénxìng shàn) de l’espèce humaine. Ah ! Oui. Aussi. Je suis pratiquante de Wing Chun (16) depuis mes six ans.
Embun.
Bon voyage à travers mes pensées !
Notes.
1: https://en.wikipedia.org/wiki/Zhejiang
2: peuple autochtone de Singapour.
3 : elle appartient très exactement au peuple Hoklo par descendance paternelle. Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Peranakan_Chinese#Baba-Nyonya
4: pour Chinese-Malay-Indian-Others (CMIO). Voir: https://en.wikipedia.org/wiki/Race_in_Singapore
5 : via les tests du WISC-R (QI de 137) et du MSAT. Pour en savoir plus sur les HPI, voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Intellectual_giftedness
J’ai aussi l’immense honneur d’avoir été le plus jeune membre de Mensa Singapour à l’âge de 9 ans. Voir : https://www.mensa.org.sg/
6 : https://www.moe.gov.sg/education-in-sg/our-programmes/gifted-education/overview
7: https://www.ifs.edu.sg/
8: Il s’agit du PSLE (Primary School Leaving Examination). C’est un ensemble d’épreuves uniforme surtout axé sur les langues, les maths et les sciences et qui conclues le primaire. L’école française ne pratique pas le PSLE qui est un programme des écoles publiques singapourienne (aka mainstream school), mais j’ai passé mon test en candidate libre via le processus du GEP. Ça valorise les parents. Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Primary_School_Leaving_Examination
9 : OIB pour Option Internationale du Baccalauréat. A l’époque il n’y avait pas le BFI. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Baccalaur%C3%A9at_fran%C3%A7ais_international#:~:text=Pour%20obtenir%20l'indication%20%C2%ABoption,dans%20leur%20langue%20de%20section.
10 :(Niveau approfondi) https://www.cambridgeinternational.org/programmes-and-qualifications/cambridge-upper-secondary/cambridge-igcse/
11: HSK pour Hanyu Shuiping Kaoshi. C’est un test qui évalue la maîtrise du mandarin simplifié des étudiants étrangers et les Chinois d’outre-mer. Le HSK est reconnu sur le plan international et certifié par le ministère de l’Éducation de la République Populaire de Chine.
12: https://nus.edu.sg/prog/bbalaw/
13 : Le bachelor est un diplôme anglophone qui est équivalent à la L3 des universités françaises. Dans mon cas, le LLB, du latin « Legum Baccalaureus » plus communément appelé « Bachelor of Laws » (en droit des affaires) et le BBA pour « Bachelor of Business Administration » (avec majeure en « business economic »).
14 : en master marché de l’art. Voir : https://www.ecoledulouvre.fr/fr/formations-etudiantes/le-deuxieme-cycle-de-lecole-du-louvre
15: https://en.wikipedia.org/wiki/Singlish
16 : plus exactement le style Nan Yang. J'ai obtenu mon premier duan (grade identique aux dan japonais) à 16 ans et le second à 18 ans, ce qui me donne le grade reconnu en chine de « 5th practician grades » (Master grades).