16 May
Au-delà des Voiles : Exploration directe de l'amour et du plaisir charnel dans la littérature Chinoise.

La littérature chinoise, forte de ses traditions et de son raffinement, a souvent navigué dans les eaux complexes de l'amour et du désir, à travers le prisme de la métaphore et de l'allusion. Cependant, certaines voix et certaines œuvres se sont aventurées sur des territoires moins conventionnels, offrant des aperçus plus directs, voire audacieux pour leur époque, des plaisirs charnels et de l'intimité. En examinant Li Yu (李漁, 1610-1680) et en se penchant sur des extraits comme celui du Jin Ping Mei (金瓶梅), on peut apprécier une évolution vers une représentation moins voilée de la sensualité dans le paysage littéraire chinois. Li Yu, bien que principalement connu pour ses romans et ses pièces de théâtre, incarne un esprit qui s'éloigne des conventions littéraires traditionnelles dans son exploration de l'amour et du désir. Son œuvre la plus célèbre, Le Tapis de prière de chair (traduction libre de "肉蒲团"), bien que romanesque, dépeint les expériences sensuelles et les désirs avec une franchise qui était remarquable pour son temps. Ici, ses écrits se concentrent sur les sensations physiques et l'intensité des émotions charnelles, d'une manière moins allusive que ce que l'on trouve souvent dans la poésie classique chinoise. Cette focalisation sur l'expérience sensorielle immédiate, même si elle n'atteint pas l'explicite au sens moderne, marque une rupture avec les descriptions plus idéalisées ou symboliques de l'amour. Li Yu, opérant dans un contexte de changements sociaux et culturels à la fin de la dynastie Ming, reflète une sensibilité nouvelle qui ose explorer des aspects de l'expérience humaine auparavant moins représentés ouvertement. Pour illustrer une autre facette de cette exploration plus directe, considérons un extrait de "Prune d'or dans un vase" (traduction libre du "金瓶梅"), un roman de la même période, dont le chapitre 27 nous offre un exemple significatif :

西門慶一手摟過那婦人,一手便去解那婦人的裙帶。那婦人慌忙用手按住他的手,說道:「我的爺,您且慢著,這屋裡人多著呢。」西門慶笑道:「怕什麼!人都睡下了。」一面說著,一面越發摟得緊了。那婦人被他摟得緊緊的,一雙纖細的手臂推拒不了,嘴裡便低聲說道:「我的爺!您今日可真性急呢!」

Traduction : Ximen Qing, d'une main, serra la femme contre lui, et de l'autre, entreprit de défaire la ceinture de sa jupe. La femme, prise de panique, pressa sa main sur la sienne en disant : "Mon seigneur, veuillez attendre un instant, il y a beaucoup de monde dans cette maison." Ximen Qing rit et dit : "Qu'importe ! Tout le monde dort." Tout en parlant, il la serrait de plus en plus fort. La femme, serrée si étroitement par lui, ne pouvait repousser ses bras délicats, et sa bouche murmurait : "Mon seigneur ! Que vous êtes impatient aujourd'hui !"

Cet extrait se distingue par sa description d'une interaction physique et d'un désir palpable. Contrairement aux allusions poétiques, le roman présente une action directe : l'homme qui tente de défaire les vêtements de la femme et une réaction physique et verbale de celle-ci. Le dialogue, bien que concis, est chargé de sous-entendus et révèle une tension sexuelle immédiate. Pour l'époque, la représentation aussi crue d'une tentative de séduction, même sans détails scabreux, était considérée comme audacieuse et a contribué à la réputation controversée de l'œuvre. Le roman, en se concentrant sur la vie quotidienne et les interactions humaines de manière détaillée, y compris les aspects sensuels, offre une perspective moins idéalisée et plus terre à terre de l'amour et du désir que ce que l'on trouvait habituellement dans la littérature plus formelle. Il est crucial de noter que le contexte social et littéraire de la Chine impériale imposait des limites considérables à l'expression explicite de la sexualité. Les conventions littéraires privilégiaient la retenue et l'allégorie, tandis que les valeurs confucéennes encourageaient la pudeur et la moralité. Ainsi, même les passages que nous considérons comme relativement directs doivent être interprétés à la lumière de ces contraintes. Les œuvres comme "Le Tapis de prière de chair" et le "Prune d'or dans un vase", ont marqué une certaine évolution en s'aventurant plus près d'une représentation des plaisirs charnels, mais elles ne correspondent pas à la notion moderne de l'explicite. 

En conclusion, bien qu'il soit difficile de trouver dans la littérature chinoise classique des textes, qui correspondent pleinement à notre conception moderne d'une exploration explicitement des plaisirs charnels et de l'amour, des œuvres comme celles mentionnées plus haut, représentent des moments où la représentation de la sensualité est devenue plus directe et moins voilée que la norme. Ils offrent des aperçus précieux d'une exploration de l'intimité et du désir qui, pour leur époque, s'approchait d'une transgression des conventions et des tabous littéraires et sociaux. En reconnaissant le contexte historique et culturel, nous pouvons apprécier l'audace relative de ces œuvres dans leur tentative de dépeindre la complexité de l'amour et du désir humain au-delà des voiles de l'allégorie.


EmbunRoseDH

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