Ngeou Yang Sieou (歐陽修). Peu de gens en Chine continentale (en-dehors du nom) et encore moins en occident, connaissent Ngeou Yang Sieou (歐陽修), plus communément orthographier Ouyang Xiu en occident. Les Chinois lettrés lui préfèrent le nom qu’il s’était lui-même donné : Ngeou Yang Tsouei Wong (vieillard ivre). NYS était un homme politique de premier plan chez les Songs du Nord, qui s’éleva au sommet du fonctionnariat chinois du XIème siècle, par ses seules qualités de lettrés (il était un orphelin devenu autodidacte), il devint un écrivain célèbre, mais aussi un érudit, essayiste, poète, rédacteur impérial officiel. Même s’il est surtout cité pour son poème du vieillard ivre, NYS fut un véritable génie qui installa durablement les bases du néoconfucianisme, plus particulièrement celui de l’école du Tao de Shenxiao* qui prêche par son rationaliste et son antibouddhisme intransigeant.
Son style littéraire ouvrira également la porte au style Guwen (古文运动) et celui du style poétique dit des Song. Ses œuvres sont d’une grande force et d’une beauté qui dépasse les limites du temps et des époques. NYS était aussi un de ceux qui savait écrire de la poésie érotique sans tomber, ni dans la vulgarité, ni la censure. C’est en exil, loin des contraintes de la vertu, qu’un haut fonctionnaire devait faire preuve à la cour, qu’il commença à rédiger ces poèmes charnels. Lorsqu’il fut démis de ses fonctions officielles à la cour, en raison de l'échec de la réforme politique de 1045, ses opposants politiques affirmèrent qu'il avait commis un adultère avec sa nièce biologique, Kang. Ce scandale, permit à l’empereur de l’envoyer en exil. Attention toutefois, dans la poésie érotique chinoise, le corps de la femme n’est jamais expressément décrit et les seins forment la partie la moins explicitement décrite.
NYS brisera ce tabou dans son exil. Son plus beau poème érotique est sans aucun doute « 系裙腰 » qui peut se traduire par « Le lien noué à la taille ». Ce poème parle explicitement de l'ensemble du processus de rendez-vous des hommes et des femmes de la haute société de l’époque des Songs.
Il existe plusieurs façons de traduire le chinois, qui est une langue nuancée et contextuelle, ce qui implique que le sens des phrases et le choix des mots est directement lié à une idée et à une époque. Utiliser des moteurs de traduction en ligne n’est donc pas la meilleure façon d’y arriver. Voici un extrait du dit poème et son explication contextuelle historique. Vous pouvez essayer de faire un copié/collé sur « Google translate » pour avoir une idée de la grande différence entre ma traduction et celle qu’il vous proposera, du titre a l’extrait.
水轩檐幕透薰风。
银塘外、柳烟浓。
方床遍展鱼鳞簟,
碧纱笼。 小墀面、对芙蓉。
玉人共处双鸳枕,和娇困、睡朦胧。
起来意懒含羞态,汗香融。
素裙腰,映酥胸。
系裙腰。
Traduction libre :
Sous l'auvent du pavillon sur l'eau, les rideaux laissent passer la brise parfumée.
Au-delà de l'étang argenté, la fumée des saules s’épaissit.
Le lit de bambou est couvert d'un tapis de paille en forme d'écailles de poisson, et une tulle bleue l'enveloppe.
Le petit perron fait face aux fleurs de lotus.
Aux côtés de la beauté, partageant un oreiller brodé de mandarins*, ils s’abandonnent, somnolents, à une douce torpeur.
Je me sens paresseux et timide au réveil et ma sueur est parfumée.
"玉人共处双鸳枕,和娇困、睡朦胧" signifie que les deux amants se sont endormis en se serrant dans les bras après avoir fait l'amour et "系裙腰" signifie qu'après le réveil, l'homme a admiré le corps nu de la femme.
Pour connaître l’ensemble des nuances de ces poèmes, il fallait bien entendu être un lettré possédant la maîtrise de nombreux hanzis**. Pour deviner le sens deviner du poème, le lecteur doit être initié aux traditions du jeu poétique de l’époque étudié, aux habitudes du langage particulier que les poètes chinois se transmettent.
EmbunDH
Notes:
*Il existait de nombreuses écoles ou sectes au sein du taoïsme, qui finirent par être regroupées en deux branches ou grandes écoles de pensées. L’école de Shinxiao (aussi appelé voie du tonnerre) en plus de prêcher par son antibouddhisme et son rationalisme politique, a énormément aidé a édifié une forme de divinité de l’organisation féodale centrale. Elle avait aussi cette particularité d’avoir adopté de nombreux rites ésotériques ruraux et ses adeptes pratiquait de nombreux rituels magiques, ce qui fait de cette école, une des plus intéressantes à découvrir. De nos jours, elle est encore présente à Singapour et à Taiwan au sein de l’école Shan.
**broderie qui marquait le rang du détenteur sur ses vêtements, draps et literie.
*** sinogrammes.